ÉTRANGETÉ PROLONGÉE

Écrit par Diana Luppi / Traduit par Emmanuel Peltier

Durant la préparation pour la presse, je me levais tôt tous les jours et je sortais prendre un café. Ce matin là, alors que je conduisais, je pensais aussi à une liste de courses que j’avais à faire. Pour une raison ou une autre, je suis devenue très consciente du fait que mon esprit était rempli de pensées anodines, et ce fût la toute dernière pensée que j’eus.

La chose suivante que je savais était que j’étais remontée dans ma voiture et je rentrais d’un endroit très lointain et extrêmement différent de partout ailleurs. Mon corps conduisait toujours, mais je n’avais aucune idée d’où j’étais. Les rues semblaient familières, brumeuses, comme si elles vivaient dans quelque vieux souvenir lointain et poussiéreux que je ne pouvais pas vraiment retrouver parce qu’il s’était déroulé il y a si longtemps. J’ai commencé à chercher le nom des rues pensant qu’il pouvait y avoir quelques indices qui puissent répondre à ma pensée panique, Où suis-je donc ? Je suis arrivée à un carrefour encombré avec un feu rouge face à moi. Je me suis arrêtée et j’ai cherché à nouveau le nom de cette rue. Ça disait « Old Santa Fe Trail ». Bien sûr, c’est ça. Santa Fe, Nouveau-Mexique. Ça doit-être là que je suis.

Perplexe, j’ai demandé, « Mais qu’est-ce qui se passe ? » alors que je continuais à conduire ma voiture vers ma destination dont je me souvenais à présent. Une réponse est immédiatement arrivée disant, « Tu étais partie pendant très longtemps, et dans un autre monde. Tu as été sensibilisée à ta dernière pensée comme d’un marqueur afin que l’on puisse te démontrer ce qui s’est passé. Bien que tu aies pu ré-entrer sans heurts, avec seulement une fraction de seconde d’écart temporel, tu as été réinsérée volontairement à quelques blocs de ta dernière pensée consciente. »

« Nous voulions que tu saches que tu es une voyageuse interdimensionnelle, qui parcours les mondes, et que tu as fait cela toute ta vie. La plupart du temps, tu expérimentes seulement une confusion mineure à la réentrée, mais nous nous sommes assuré qu’elle soit importante cette fois. Nous t’avons éveillé à qui tu es. »

Bien, tout cela sonne plutôt bien, n’est-ce pas. Cependant, ma réaction sur le coup était plutôt du genre :

« Quoi ? C’était une vachement bonne façon de commencer la journée. Je sors pour prendre un café, je suis enlevée en route où je passe à peu près une paire d’années dans quelque autre monde maintenant oublié juste pour être réinsérée dans mon corps (qui semble miraculeusement toujours conduire une voiture) environ 3 minute après ma dernière pensée consciente dans un monde dont je ne me souviens désormais que vaguement. Par chance, je tombe sur un nom de rue qui mentionne vaguement où je me trouve, et alors j’assiste à un cours sur la physique de l’hyperespace, mon itinéraire de voyage, et une question d’identité. De tout cela, ma seule consolation est le fait que je sache désormais que je pourrais probablement conduire jusqu’à Dunkin Donuts même en étant dans le coma. »

« Pour tout ce qui vient de se produire, cela n’en vaut pas vraiment la peine, et il n’est même pas encore 7h du matin. Avez-vous d’autres plans pour moi aujourd’hui ? Dites-moi juste, précisément ce que vous êtes en train de faire, et si je peux abandonner ? Est-ce que la normalité reste une option ? »

D’après le rire enthousiaste que j’ai entendu, J’en ai déduis que la réponse amusée, mais empathique était « Non ».

Un peu fatiguée par le régime constant d’étrangeté, j’ai décidé de prendre des vacances. Peut-être que si j’allais dans un autre état du pays, les choses s’arrêteraient. J’ai fais mes bagages immédiatement, et j’ai pris la direction de l’Arizona.

J’ai profité de deux semaines sans que rien d’ahurissant ne se produise, mais je devais rentrer à la maison parce que le livre n’était pas complètement terminé, en particulier le moment où j’ai obtenu l’argent pour le publier. J’ai réalisé plus tard que même cet interlude était une préparation pour ce qui s’est passé ensuite.

Quand je suis rentrée, j’étais très détendue. La première chose que j’ai faite était de m’asseoir et de lire ET 101 pour la première fois. Par cela, je veux dire que je ne l’écrivais pas, ne l’éditais pas, ou ne vérifiais pas quoi que ce soit en lien avec la production. Je ne faisais que le lire.

En commençant, je me suis souvenue d’une instruction qui m’avait été donnée au tout début et qui avait échappé à mon esprit conscient jusqu’à cet instant. On m’avait demandé de créer un calice capable de contenir une plus grande énergie. Même si l’explication était un peu énigmatique, j’avais à peu près compris ce qui m’était demandé. La seule manière de procéder à laquelle j’avais pu penser pour faire cela était d’écrire le livre comme si c’était de la musique, avec une grande attention portée au rythme, à la cadence et aux notes. J’ai procédé ainsi, sachant que ces qualités ne seraient pas attendues et ne seraient très probablement pas remarquées du fait de l’humour du livre, un déguisement parfait pour un plus grand impact.

Le jour où j’ai finalement lu le livre que j’avais écrit, j’ai pu entendre une harmonie tonale qui était au-delà de la plage d’audition normale. C’était la « plus grande énergie » que ce livre était destiné à contenir, placée là par les êtres avec lesquels j’avais travaillé et magnifiquement tissée à travers ses pages. Ce manuel était un code pur, destiné à éveiller ceux qu’il pourrait. Etonnamment, ce qu’il disait ne comptait même pas vraiment.

J’étais ébahie quand j’ai entendu ces tonalités pour la première fois, et je me suis sentie très privilégiée d’avoir été choisie pour travailler dessus. J’étais également très reconnaissante qu’on ne m’ait rien dit sur cet aspect jusqu’à la fin. Je me serais figée et j’aurais été hésitante si je l’avais su plus tôt.

Cela étant dit, ET 101 a été mis sous presse un certain nombre de miracles plus tard, notamment l’argent pour payer pour le tout.

 

Ainsi se Termine le Livre 1 sur 3
de
Je Ne Me Fondrai Plus Jamais Dans La Masse