GRANDE ETRANGETE EN HAUTS LIEUX

Écrit par Diana Luppi / Traduit par Emmanuel Peltier

 

I Will Blend No More French Diana Luppi AuthorBien que ET 101 était maintenant terminé et que j’étais retournée en ville pour préparer son impression, ce n’était pas exactement comme retourner au travail de façon habituelle. Une Grande Étrangeté semblait m’attendre à chaque coin de la rue. Je commencerai par le plus étrange d’abord.

Sans préavis, j’étais à nouveau citée à comparaître à la Crête du Dragon. Cependant, cela me rendais extrêmement nerveuse cette fois. Quelque chose d’énorme se trouvait là-haut, et je n’étais pas sûre de vouloir savoir ce qui m’y attendais.

Je pense que la différence avec l’étrangeté de tous les jours que j’endurais avec mes copains d’écriture extraterrestres qui, pour empirer les choses, se faisaient appeler le « Contrôle de Mission », était qu’eux étaient joueurs, certes bizarres, mais la plupart du temps très drôles. À la Crête du Dragon en revanche, une autre énergie régnait. C’était l’énergie que j’en suis venue à connaître comme Le Conseil Intergalactique.

Se tenir debout devant ce Conseil, c’était risquer une overdose de magnificence tout en tremblant de peur. Leur souveraineté n’était pas discutable, leur présence était spirituellement éblouissante, et leur attitude dépassait largement les qualificatifs de « gracieux » et de « majestueux ». Ils n’étaient pas, pour de nombreuses raisons, du genre à plaisanter. Être convoqué par eux, c’était un peu comme être convoqué dans le bureau du principal, soit pour être inscrit sur la liste noire du Père Noël, soit pour tout autre crime odieux et non avoué.

J’avais reçu quelques encouragements de mes amis présumés, qui revenaient à quelque chose du style : « Debout cow-boy, tu es invitée à comparaître. Prends sur toi. Serre les dents. Affronte le dragon. Nous ramasserons tes cendres. »

Avec ces conseils réconfortants, je suis partie pour la Crête du Dragon. Mon chien a refusé de venir ; un très mauvais présage.

Lorsque je suis arrivée, j’ai escaladé avec appréhension la Crête du Dragon et je me suis tenue debout sur son sommet le plus élevé, en regardant vers le bas une vaste étendue de terre qui s’étirait sur des kilomètres et des kilomètres. Un troupeau d’antilopes au loin ne mesurant pas plus d’un centimètre dans mon champ de vision. Cette vue n’était pas seulement vaste et panoramique, elle était également mystique et stupéfiante. Alors que je regardais le magnifique spectacle de cette merveille de la nature, j’ai commencé à voir le sol trembler. De sa peau de terre, j’ai vu émerger des glyphes Mayas, l’un après l’autre, trop rapidement pour dire à quoi chacun correspondait, mais pulsant hors de terre comme les phares d’atterrissage dans un aéroport, accueillant et guidant dans son trafic interdimensionnel.

Cela est-il possible ? Suis-je en train de regarder les rouages internes d’un portail interdimensionnel perché sur ce qui semblait avant cela n’être qu’une surface aride dans la dimension que je venais subitement de quitter ? Je ne sais pas comment je pourrais expliquer cela autrement qu’en disant qu’alors que je découvrais ma propre nature interdimensionnelle, la nature elle-même me révélait également la sienne. J’étais envoûtée et stupéfaite par ce qui parut être une éternité.

« Oh, mon Dieu », fut tout ce que je réussis à dire alors que je m’étais finalement retournée pour me remettre de ce dont je venais d’être témoin, et j’ai aussitôt fait face à quelque chose d’autre qui était peut-être encore plus stupéfiant. Un Être Suprême, un Membre du Conseil Intergalactique ? Même si je ne pouvais pas le voir, je pouvais sentir sa présence impressionnante et j’en avais le souffle coupé. Sa voix était retentissante lorsque cette force céleste dit : « Vous êtes investie du Manteau du Dragon. Vous faites partie d’un groupe spécialisé d’êtres qui ont été autorisés à parler pour la vérité. »

Je fus stupéfaite par cette déclaration. Ici je pensais juste que j’étais un enfant errant qui avait été appelé à comparaître pour procédures correctives. Apparemment ce n’était pas le cas.

J’ai donné une série de réponses du genre « Oh la la, mon Dieu, Seigneur », alors que j’essayais d’accepter humblement le grand honneur qui m’était décerné lors de cette initiation inattendue. À ce moment, une voix austère et légèrement ennuyée dit très fort : « Ce n’est PAS une promotion. Nous n’embauchons pas les handicapés. C’est qui tu es. »

Bon, ça m’a fait taire. Ça le fait toujours. Mais nous aurons tous à affronter cela à un moment ou à un autre. Qui nous sommes et ce que nous sommes est beaucoup plus grandiose que ce que nous sommes capables de dire, ou voulons savoir, ou même que ce après quoi nous sommes capables de nous accrocher, mais tôt ou tard, nous devons tous le faire.

Après ce spectacle déconcertant, j’ai quitté l’Aéroport Interdimensionnel de O’Hare* comme si je venais d’être percutée par un 38 tonnes. Cette affaire devenait juste de plus en plus bizarre. Je suis rentrée à la maison pour passer trois jours de plus au tapis. Sur la route, j’ai traversé la ville avec le panneau qui portait les mots ATTENTION – ZONE CONGESTIONNÉE et j’ai vu la tête d’une vache qui me regardait dans mon rétroviseur extérieur. Je me suis demandée si ce panneau était véritablement un message codé avertissant de la zone d’encombrement interdimensionnel qui se trouvait pas très loin après lui. Le troublant panneau prenait enfin du sens. Peut-être que la tête de vache n’était qu’une touche artistique. Très malin.

Après mon lent rétablissement, j’ai passé en revue l’événement dans ma tête et j’ai réalisé cette chose attachante concernant cette rencontre fracassante pour l’ego qui était la découverte que Le Conseil Intergalactique semblait avoir le sens de l’humour. « Nous n’embauchons pas les handicapés » est une belle réplique. Je pense que je l’utiliserai

* L’aéroport de O’Hare à Chicago est l’un des aéroports les plus fréquenté aux États-Unis.

 

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Je Ne Me Fondrai Plus Jamais Dans La Masse Partie 17