Diana Luppi – Zoev Jho a écrit ET 101 – Le Manuel d’Instruction Cosmique, livre avant-gardiste et qui a fait grand bruit, il y a plus de 25 ans. Il a créé une vague énorme au fil des années, et il fait désormais un « come-back » galactique. Des traductions dans de nombreuses langues sont en cours, alors que la « nouvelle vague » atteint les côtes.

 

Point Zéro

 

Écrit par Diana Luppi / Traduit par Emmanuel Peltier

Je ne pense pas avoir fait grand-chose, parce que la plupart de ces choses consistaient, dans des tentatives répétées, dont certaines étaient extrêmement efficaces, à cacher à tout le monde, et particulièrement à moi-même que – Je ne suis pas d’ici.

Rien de ce que j’ai fait, ai pu faire, ou aurais pu faire n’a eu la moindre influence sur ce fait. Nullement découragée par les pafs répétés contre le mur de briques arrogant mais encore invisible de cette réalité qui se voulait d’être, j’ai persévéré dans mes tentatives de me fondre avec la population indigène de cette planète, et ce, malgré les instants embarrassants et inconfortables qui démontraient clairement que j’avais un défi de troisième dimension à relever. Voici une photo de moi dans l’une de mes nombreuses tentatives de camoufler ma présence.

Diana Luppi AKA ZOEV JHO Author

L’auteure incognito
Crédit photo: Jan Demarinis

Même si cette tentative de me fondre dans la masse ait pu bien fonctionner dans certaines régions des Etats Unis, dont aucune ne me revient en tête, elle n’a absolument pas fonctionné dans cette Réserve Indienne, dans les régions désertiques profondes du Far West. Les Amérindiens, comme toujours, furent très délicats et polis en roulant des yeux mais en ne disant rien.

Malheureusement, leurs réflexions ne furent pas aussi discrètes que leur non-verbal en faisant très lourdement remarquer que « les Blancs sont foutrement cinglés ». Ils étaient loin de se douter que j’étais d’accord. Ils ne savaient pas non plus que je n’étais pas blanche. J’avais juste l’air de l’être. (Ai-je mentionné que je ne suis pas d’ici ?)

C’est cette expérience-là qui m’a mise sur le chemin d’aller plus loin dans mon coming out. J’ai finalement décidé, même si à ce moment-là, ce n’était pas de façon probante ni catégorique, que « je ne me fondrai plus jamais dans la masse ».

Merci, Chef Joseph. Vous m’avez clairement ramené sur le droit chemin, et c’est ainsi que votre sagesse m’a conduite à devenir (suffisamment proche de) la personne qui a écrit E.T. 101 – Le Manuel d’Instruction Cosmique – Une Edition Corrective d’Urgence. (Comme vous l’avez peut-être deviné, l’« urgence » mentionnée ici, c’était moi.)

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Fausses Informations

 

Écrit par Diana Luppi / Traduit par Emmanuel Peltier

Beaucoup de personnes ont demandé comment j’en étais venue à écrire E.T. 101. Voici l’histoire officielle :

Parmi les différentes choses que j’ai faites, J’ai travaillé pour un journal. Après avoir lancé un supplément à grand succès qui fût primé dans ce journal qui concernait les Médecines Alternatives, également connues sous le nom de médecines « New Age », il m’a été demandé d‘écrire une chronique sur ce même sujet pour ce même journal.

Malheureusement, ce supplément, que j’ai réalisé deux fois, en est venu à s’appeler « Le Supplément Thérapeutique Qui Tue ». C’est moi qui l’avait nommé ainsi, à juste titre. Il menaçait non seulement ma vie parce que c’était une mission quasi-impossible, mais il m’a également complètement guéri du New Age. Maintenant que j’y repense, je suppose que ça soignait réellement, mais en quelque sorte de façon inversée.

Dans le cadre de la production de ce supplément, beaucoup de gens sont passés à mon bureau. La plupart étaient atteints par la chose même qu’ils prétendaient soigner, c’était donc souvent une épreuve, en particulier si leur spécialité était les troubles obsessionnels-compulsifs ou les troubles de déficit de l’attention. Le seul répit que j’avais était lorsque certains êtres entraient dans mon bureau en prétendant être extraterrestres. Devinez quoi ? Ils l’étaient.

Alors, lorsque l’on m’a demandé d’être une chroniqueuse sur un sujet duquel j’étais déjà blasée, mon seul centre d’intérêt est devenu celui des extraterrestres. Au moins, ils étaient des interlocuteurs courtois et ils semblaient réellement avoir une raison d’être ici, que j’admirais en secret. (Se fondre dans la masse est alors devenu très fastidieux, et également ennuyant.)

Le problème que j’ai eu alors à affronter était de savoir comment faire passer ces informations concernant les extraterrestres par-delà mon rédacteur en chef bigleux et mon éditeur collet-monté, à mon public de lecteurs. Souvenez-vous, il s’agissait du journal d’une journaliste d’investigation primée qui n’aurait même pas publié une rubrique astrologique parce qu’ils n’y croyaient pas, dans une ville où tout le monde y croyait. C’était véritablement une bataille difficile.

J’ai prié pour avoir de l’aide, et immédiatement oublié que j’avais fait cela, et j’ai soudain été frappée par une idée brillante. Il y avait une faille culturelle, un biais implicite, qui causait une boucle synaptique que les gens captaient automatiquement si vous citiez quelque-chose à partir d’un livre. Cela devenait instantanément crédible, probablement du fait des propriétés alchimiques de l’encre noir. Ahaaa !

Quand j’ai repris mes esprits, l’éditeur me regardait avec un regard ahuri et il a continué à cligner des yeux pendant un bon moment… J’ai vu la question fatale prendre forme…, « Qui l’a écrit ? »

Naturellement, j’ai alors décidé d’imaginer un livre à propos des extraterrestres, faire une critique du livre, et le citer abondamment, en disant qu’il serait bientôt publié dans la ville où nous vivions. Imparable, et un bon moyen de s’en tirer en toute impunité. J’étais éblouie par mon génie et confiante de mon succès.

Le jour après avoir remis l’article, j’ai été appelée dans le bureau de l’éditeur. Je suis passée devant le bureau du rédacteur en chef sur mon chemin et il a regardé de travers par-dessus ses lunettes et m’a alors regardée d’un air soupçonneux. Joli prélude. L’éditeur, pas aussi menaçant, mais clairement perturbé, m’a demandé sans détour, « Qu’est-ce que c’est que ça ? », en brandissant mon article comme si c’était un chiffon sale.

Pour être honnête, je ne me souviens un mot pas de ce que j’ai dit. C’est un brouillard complet, et c’était probablement plein d’innombrables failles. Quand j’ai repris mes esprits, l’éditeur me regardait avec un regard ahuri et il a continué à cligner des yeux pendant un bon moment. Finalement, j’ai vu la question fatale prendre forme dans l’esprit de l’éditeur. On allait me demander, « Qui l’a écrit ? », à quoi je ne savais pas du tout quoi répondre. Alors, les mots les plus inattendus ont émergés de ce long et épouvantable silence, « Jures-tu que ce livre va être édité ici ? » ce à quoi j’ai répondu, « Absolument. Est-ce que je vous mentirais ? » L’éditeur dit alors, « Ok, dans ce cas, je vais publier votre article. » Quoi ???

Ils le publièrent effectivement. Me sentant considérablement moins brillante que je ne l’étais quelques jours plus tôt, je me demandais combien il était intelligent d’écrire la critique d’un livre, de la faire publier dans un journal, et d’être alors contrainte par l’obligation d’écrire et de publier un livre pour justifier la revue prématurée ? (Souvenez-vous, cela s’est produit bien avant que les fausses informations ne soient à la mode et sur le point de devenir un sport national.)

J’ai considéré toutes les issues possibles. Peut-être que personne ne le lirait. Je devenais philosophe, si un article est publié dans un journal et que personne dans les environs ne le lit, est-ce que cela fait toujours de vous une journaliste douteuse ? Non, cela n’allait pas marcher. Mon rédacteur en chef et mon éditeur le liront, cela ne fait aucun doute. Après un nombre de voyages mentaux dans des culs-de-sac stériles, j’ai finalement vu la lumière. Il était là, Jean-Luc Picard, debout sur le pont de l’Enterprise, fixant du regard l’immensité de l’espace et disant, « Qu’il en soit ainsi ! ». Alors je l’ai fait.

Et c’est là que l’histoire commence réellement…

Remarque : Je m’excuse de laisser de côté certains détails notamment le journal anonyme dirigé par un éditeur anonyme dans une ville anonyme d’un état anonyme. Dès que serai en sécurité dans le cadre d’un Programme de protection de témoins, je communiquerai tous les noms et lieux. Jusque-là, prétendez simplement que vous lisez le Washington Post. – DL


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